Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/200

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luy qui devoit craindre les menaces des Dieux, que non pas le Roy son Pere ; qui par son extréme vieillesse, n’avoit plus gueres de part au Thrône qu’il occupoit. Neantmoins comme nous sçeûmes que la Cour n’estoit pas alors à Sinope, & qu’elle estoit à une autre Ville qui s’appelle Pterie, je fus en quelque repos. Joint que je ne voyois pas qu’il fust possible qu’Artamene peust facilement estre connu pour ce qu’il estoit : toutefois je fis tout ce que je pus, pour l’empescher de descendre de son Vaisseau, mais il n’y eut pas moyen : & voyant d’où nous estions, ce beau Temple de Mars, qui comme vous sçavez est hors de la Ville ; il voulut y aller le lendemain de fort bon matin, pendant que l’on radouberoit son Vaisseau, que la tempeste avoit fort gasté. Feraulas & moy y fusmes donc avec luy : & comme les choses indifferentes, sont ordinairement l’objet de la conversation, de ceux qui n’ont rien à faire dans un Païs, que d’en voir les raretez ; le Prince commença de me demander, pourquoy en tant de lieux que nous avions visitez, il avoit remarqué moins de Temples de Mars, que de nulle autre Divinité ? & comme s’il eust esté jaloux des honneurs qu’on leur redoit ; il repassa dans sa memoire, tous les Temples qu’il avoit veus dediez à Venus ; & trouva qu’il y en avoit beaucoup davantage, pour cette Deesse des Amours, que pour le Dieu de la Guerre. Et quoy, Seigneur, luy dis-je en sous-riant, estes vous ennemy de cette Divinité, qui reçoit des Vœux de toute la Terre ? & qui sous des Noms differens, reçoit des Sacrifices de toutes les Nations, & mesme de tous les hommes ? Je n’en suis pas ennemy, me respondit il, mais j’en suis jaloux : & je voudrois bien que Mars eust autant