Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/217

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pour ignorer qu’il faut recevoir avec un respect égal, tous les biens & tous les maux que le Ciel nous envoye : comme elle sçait que les Conquerans & les Usurpateurs, n’agissent que par les ordres des Dieux, qui veulent en ces occasions, chastier ceux qu’ils renversent du Thrône ; je m’imagine que si elle a de la joye, c’est de connoistre par la mort de ce jeune Prince, dont les Astres & les Victimes nous menaçoient ; que les Dieux sont apaisez. Mais cette joye, est une joye tranquile ; qui n’estant accompagnée ny de haine, ny de colere, laisse l’ame en son assiette naturelle, & toutes ses passions en repos. Remercier les Dieux de la mort d’un homme, à le considerer simplement comme homme ; seroit une impieté & un sacrilege, plustost qu’un acte de devotion ; dont le Roy, la Princesse, ny les Mages, ne seroient jamais capables : Mais les remercier de la mort des Tyrans, & des Usurpateurs, comme d’une chose qui eust renversé des Thrônes, & desolé des Empires ; c’est faire une action de Justice & de Pieté tout ensemble, qui ne choque ny l’humanité ny l’equité. Artamene escoutoit tout ce que luy disoit cét Homme, avec des sentimens si differens, & si contraires, qu’il men faisoit compassion : car tantost il avoit de la joye ; & tantost de la douleur : tantost de l’esperance, & tantost du desespoir. Mais apres tout, il estimoit son bonheur fort grand, d’avoir apris que Mandane avoit autant d’esprit & de vertu que de beauté. Cependant, comme ce Sacrificateur avoit trouvé quelque chose en la personne d’Artamene, qui luy plaisoit infiniment ; aimable Estranger, luy dit il, si vous aimez à voir les belles Ceremonies, revenez à ce Temple dans trois jours : car celle que l’on y fera, sera beaucoup plus magnifique &