Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/221

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Mais pour le premier, c’estoit luy demander une chose impossible : pour le second comme nul danger ne pouvoit ébranler son ame, c’estoit sans doute une mauvaise raison à luy dire, que celle dont je ne me servois, que parce que je n’en avois pas de meilleure : Et pour le dernier, sçachez, me dit il, Chrisante, que Cyrus n’apprendra jamais au Roy de Perse, en quelle Terre il habite ; qu’Artamene ne se soit rendu si fameux, qu’il soit connu de toute l’Asie. Ouy, me dit il, Chrisante, je veux qu’Astiage estime Artamene ; que Ciaxare le favorise ; que le Roy de Pont le craigne ; & que Mandane l’aime : autrement il s’ensevelira dans le Tombeau de Cyrus : & mourra effectivement plustost, que de ne faire pas tout ce qui sera en son pouvoir, pour satisfaire pleinement, la passion qu’il a pour la Gloire, & l’amour qu’il a aussi, pour la Princesse de Capadoce. Seigneur, luy dis-je, vous m’avez demandé du temps pour vous resoudre ; & je vous en demande à mon tour : ne m’estant possible de ceder si promptement à vostre passion : & d’entrer dans les sentimens d’une personne, de qui la raison estant preoccupée, doit me les rendre suspects. Nous nous separasmes de cette sorte : & le Prince estant bien aise de demeurer seul avec Feraulas, qui comme plus jeune que moy, n’estoit pas si contraire au dessein d’Artamene ; je me retiray, pour aller songer à loisir, à ce que je devois faire, en une rencontre si fascheuse. Pour Artamene, il ne faut pas demander de quoy il s’entretint avec Feraulas : Mandane estoit la seule chose, dont il luy pouvoit parler : il luy demanda s’il n’advoüoit pas, que c’estoit la plus belle Personne du monde ? & comme il luy respondit, que toute la Perse n’avoit rien qui luy fust