Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/222

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comparable : Ce n’est pas encore assez, luy repliqua le Prince, mais dites que toute la Grece (elle qui se vante d’estre la premiere partie du Monde, pour la beauté des Femmes qui l’habitent) n’a rien qui ne soit mille degrez au dessous de celle que j’adore. Dittes que cette fameuse Image de Venus, que nous avons veuë en Chypre, & des charmes de laquelle, l’on dit que personne n’a jamais approché ; est absolument sans graces, si on la compare à la Princesse de Capadoce : tant il est vray qu’elle est au dessus de tout ce qu’il y a de beau en l’Univers. Je vous exagere, Seigneur, peut-estre un peu plus que je ne devrois, tous ces petits effets de la passion d’Artamene : mais comme je fus contraint de luy ceder ; il me semble que c’est me justifier en quelque façon, que de vous faire voir, que je souffris un mal, que je ne pouvois guerir : & que j’enduray ce que je ne pouvois empescher.

Cependant, le jour de ce Sacrifice dont l’on avoit parlé à Artamene estant venu, il ne manqua pas de s’y trouver : & d’estre mesme plus diligent que tous les Mages ; estant arrivé au Temple, que les portes n’en estoient pas encore ouvertes. Mais quoy que nous y allassions si matin, nous trouvasmes pourtant que ce jeune Estranger que nous y avions rencontré la premiere fois, nous avoit desja devancez, & attendoit que l’on les ouvrist. Mon Maistre sans en sçavoir la raison, eut quelque secret despit, de le trouver en ce lieu là ; & de voir qu’il avoit esté plus diligent que luy. Ne pouvant toutefois s’empescher avec bien-seance de luy parler, il le fit du moins d’une maniere, qui descouvrit une partie de son chagrin, & qui me surprit beaucoup : car il ne fut jamais un esprit plus doux, ny plus civil que le sien. Aussi