Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

courage ; il n’en estoit pourtant pas satisfait : & il luy sembloit, qu’à moins que de tüer ou de faire prisonnier le Roy de Pont, c’estoit ne s’estre pas signalé. Ce qui l’excita encore davantage à bien faire, ce fut que malgré le desordre & la confusion d’une Bataille, il reconnut Philidaspe : & remarqua que c’estoit sans doute, un des plus vaillants hommes du monde. Cette valeur extraordinaire luy donnant de l’estime & de l’estonnement, luy donna aussi de l’emulation : & il commença de faire un nouvel effort de combattre, afin de tascher de faire encore plus, qu’il ne voyoit faire à un autre. Philidaspe de son costé avoit remarqué la mesme chose en mon Maistre, & avoit eu les mesmes sentimens : si bien que se regardant tous deux avec une espece d’envie, qui n’avoit pourtant rien de lasche ny de bas ; ils taschoient de se surmonter l’un l’autre en valeur : & ils commencerent dés ce jour là d’estre Rivaux d’ambition, & d’aspirer à mesme Gloire. Artamene fut pourtant plus heureux que Philidaspe : & la Fortune luy presenta une occasion plus important qu’à luy de se signaler. Ce fut que le Roy de Pont, qui ne pouvoit terminer plus heuresement cette guerre, qu’en prenant le Roy de Capadoce prisonnier ; puis qu’alors pour sa rançon il pourroit obtenir sa fille : avoit laissé un gros de reserve, de dix mille hommes, les meilleurs de toutes ses Troupes ; qui avoient eu commandement de ne combattre point, que par un signal qu’on leur devoit faire, ils n’eussent apris precisément l’endroit où seroit Ciaxare : afin d’y donner tout d’un coup, & de tascher de le prendre. Cet ordre ayant esté donné, fut executé exactement : & le Roy de Pont & celuy