Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/235

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de Phrigie voyant que la Victoire balançoit ; & ayant demeslé l’endroit où Ciaxare estoit en personne ; ils firent faire le signal : & ces dix mille hommes tous frais, venant attaquer des gens qui estoient desja las de combattre ; mirent une estrangge confusion dans nostre Armée, Artamene eut le bonheur de se trouver assez prés du Roy, lors qu’il fut envelopé, & attaqué si rudement : & certes il est à croire, que s’il ne s’y fust pas rencontré, ce Prince ne seroit pas aujourd’huy en estat de le tenir prisonneir : estant aisé de juger, qu’il auroit succombé en cette occasion. Artamene voyant donc ce nouvel orage, qui venoit fondre sur la teste du Roy, prit la hardiesse de s’aprocher de luy pour luy dire, Seigneur, quoy que je ne sois qu’un malheureux Estranger, si tous vos Subjets sont aujourd’huy pour vostre conservation, ce que je suis resolu de faire, vous vaincrez ; & vos Ennemis seront deffaits. Alors sans attendre la responsé du Roy, à moy vaillants hommes, (dit il à ceux qui l’environnoient, & que la peur commençoit d’ébranler) à moy ; si vous me suivez, nous sauverons vostre Prince, & n’acquerrons pas peu de gloire. A ces mots, la honte leur fit faire ferme : & l’asseurance qu’ils virent dans les yeux de mon Maistre, en remit enfin en leur cœur. Il se mit donc à leur teste ; & commença de charger les Ennemis, avec une ardeur inconcevable. Et comme ils avoient ordre d’espargner Ciaxare autant qu’ils pourroient ; & de tascher seulement de le prendre prisonnier ; cela fut cause que n’osant pas combattre en tumulte, ny de toute leur force, de peur de s’y tromper ; Artamene en tua un si grand nombre, quoy qu’ils se deffendissent contre luy autant qu’ils pouvoient ; que je m’estonne qu’il ne se trouva