Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/250

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excepte de la regle generale : que je ne vous soubçonne pas de cét excés de raison, qui fait de generer la prudence en finesse : & qu’au contraire, je sois persuadée que vous estes effectivement, tel que vous paroissez estre. Je vous suis bien obligé, Madame, respondit Artamene, de vous voir faire une si glorieuse exception en ma faveur : je puis aussi vous assurer qu’en cette rencontre, vous ne vous abusez pas : & que l’artifice dont la foy Greque est suspecte, n’est pas un deffaut que l’on me puisse reprocher. Mais, Madame, soit que je fois Grec, comme vous semblez le croire, soit que je fois d’une autre Nation que l’on croye plus ingenuë, n’avoir point une mauvaise qualité, n’est pas avoir une grande vertu : & j’ay toujours raison de dire, que si vous avez bonne opinion de moy, j’ay sujet de craindre que le temps ne vous fasse changer d’avis. Le temps, repliqua-t’elle, ne sçauroit tousjours faire, que ce que vous avez fait, ne soit digne de loüange : ainsi en attendant que le temps que vous dittes m’ait desabusée, de la bonne opinion que je veux & dois avoir, de celuy qui a sauvé la vie au Roy mon Pere ; laissez moy dans une erreur, qui ne vous est pas desavantageuse. Je souhaite, Madame, luy respondit Artamene, que vous ne la perdiez jamais : & que la plus illustre Princesse qui soit au monde, me fasse toujours l’honneur de croire, que je ne suis pas absolument indigne de son estime. Apres cela, la Princesse s’informa particulierement de tout ce qui s’estoit passé à la Bataille : & Artamene le luy raconta avec beaucoup d’exactitude, excepte ce qui le regardoit, qu’il passoit tousjours legerement, & en peu de mots ; ce qui donnoit de