Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/254

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ordre qu’on le servist au sien, avec toute la magnificence possible : comme en effet, la chose fut ponctuellement executée selon ses intentions. Cependant Artamene qui ne parla presque point tant qu’il fut à table, lors que ceux qui le servoient se furent retirez à son Antichambre, estant demeuré seul avec Feraulas, se mit à luy demander son advis de la Princesse : comme si de son approbation eust dépendu toute sa felicité. Et malgré luy, & contre son dessein, & presque sans qu’il s’en prist garde, il employa la moitié de la nuit, à s’entretenir avec Feraulas : qui sans doute ne pouvoit pas combattre sa passion, du costé de la Princesse ; estant certain que c’estoit la plus aimable Personne qui sera jamais. Mais enfin il falut se coucher : toutefois ce ne fut pas pour dormir : car venant à penser que la bien-seance vouloit qu’il demandast son congé dés le lendemain, & qu’il s’en retournast au Camp ; l’inquietude qu’il en eut, ne luy permit pas assez de repos, pour s’abandonner au sommeil.

Il se leva donc le matin, sans avoir pû fermer les yeux : & aussi tost que la Princesse fut en estat d’estre veuë, il fut la supplier de luy permettre de s’en retourner aupres du Roy, où son devoir & l’estat où il avoit laissé les choses l’appelloient. Mais elle luy dit, qu’elle vouloit qu’il fust tesmoin d’un Sacrifice qu’elle alloit offrir aux Dieux, pour les remercier d’avoir preservé le Roy par son moyen ; afin qu’il le peust assurer, de la part qu’elle prenoit en sa conservation : & du soing qu’elle avoit de la demander au Ciel. Enfin, luy dit-elle, je vous en prie, n’osant pas dire que je vous le commande. Vous le pourriez pourtant, Madame, par plus d’une raison, luy respondit