Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/276

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en quatre endroits : & Artamene blessa Pharnace en plus de six. Leurs forces commencerent alors de diminuer, & leurs corps de s’apesantir peu à peu : si bien que pour finir leur combat plustost, ils se tinrent tousjours prés l’un de l’autre : & ne s’esloignerent plus de la pointe de leurs espées, ny ne se servirent plus de leurs Boucliers, qu’ils ne pouvoient soustenir qu’à peine. En cét estat se frappant continuellement il arriva qu’ils se porterent en mesme temps : mais avec cette difference ; qu’Artamene passa son espée au travers du cœur de Pharnace ; & le fit tomber mort à ses pieds ; & que Pharnace passa la sienne au travers d’une cuisse d’Artamene, où il la laissa. Si bien que mon Maistre ayant encore son espée à la main ; & ayant retiré courageusement celle de son Ennemy de sa blessure ; tenant ces deux espées entre ses mains ; j’ay vaincu, s’écria-t’il ; & un moment apres, cette derniere blessure luy ayant fait perdre beaucoup plus de sang, il tomba, & fut quelque temps en foiblesse. Mais admirez, Seigneur, encore cette advanture : Si Artamene ne fust pas tombé, il estoit mort ; car Artane l’auroit achevé. Et en effet, nous avons sçeu par luy mesme, comme vous l’aprendrez en suitte ; qu’aussi tost qu’il vit son Rival mort, il se leva ; & se prepara à venir attaquer mon Maistre, qu’il voyoit chanceler à tous les pas. Mais comme un moment apres il le vit tomber, & ne remüer plus du tout ; il ne s’amusa point à aller voir s’il avoit poussé le dernier soupir ; & il s’en alla en diligence vers ceux de son Party, pour profiter laschement du labeur des autres ; & pour annoncer la victoire au Roy de Pont. Et certes cét homme (si toutefois il est digne de ce Nom) avoit bien plus de joye,