Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/275

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mon Rival meurt, plus facilement encore vaincray-je l’ennemy de ma Patrie, ; qui en perdant tant de sang, aura perdu toutes ses forces, & qui en faisant respandre tout celuy de son ennemy, aura respandu presque tout le sien : de forte que de quelque costé que la Fortune se tourne, ils combatront, ils mourront ; & je vivraz, & triomphery sans peine. Artane demeura donc en cét estat, faisant des vœux également pour la mort ses deux ennemis. Et veritablement il s’en falut peu, que ses injustes vœux ne fussent exaucez : Artamene & Pharnace (car nous avons sçeu que ce vaillant homme s’apelloit ainsi) s’estant regardez un moment, comme je l’ay desja dit, pour reprendre un peu d’haleine, recommencerent un combat, où tout ce que l’amour de la gloire peut inspirer de grand & de noble, se fit voir en cette occasion. Et comme Artamene craignoit que le sang qu’il perdoit ne trahist enfin son courage, & ne l’affoiblist malgré luy ; il pressa son ennemy avec une ardeur, qui n’est pas imaginable. Si bien que Pharnace, qui voyoit qu’il n’y avoit à choisir que la mort ou la victoire : & qui en se voyant seul de son Party, avoit eu cette consolation de croire qu’Artane son Rival & son ennemy estoit mort, puis qu’il ne combattoit plus ; il est, dis-je, à croire, que dans l’esperance où il estoit, de n’estre plus traversé dans son amour, il avoit encore un plus grand desir de vaincre. Du moins fit il des choses si merveilleuses ; que j’ay entendu dire à mon Maistre, que quand on ne luy en eust rien apris, il n’eust pas laissé de connoistre, que l’amour soustenoit son courage ; & l’enflamoit d’une ardeur si heroïque. Ils se battirent donc encore fort long temps : Pharnace blessa Artamene