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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/278

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Armes avoit voulu qu’il fust demeuré seul en vie, il estoit en une peine qui n’est pas imaginable. Helas ! disoit-il, que me servira d’avoir vaincu, si je meurs sans qu’on sçache que j’ay esté victorieux ? Ciaxare se repentira de l’honneur qu’il m’a fait ; & Mandane, l’illustre Mandane, croira peut-estre que je seray mort dés le commencement du combat ; sans rien faire de considerable pour elle : qu’enfin j’ay mal occupé la place que j’ay tenuë ; & que peut-estre Philidaspe l’auroit mieux remplie que moy. Cependant ô Dieux ! ô justes Dieux ! vous sçavez ce que me couste la Victoire ; & ce que j’ay fait pour ma Princesse. En disant cela il regardoit tousjours de tous costez ; mais il ne voyoit personne : car comme la Plaine baisse un peu du costé qu’Artane s’en alloit, il ne le pouvoit plus voir. Artamene en cette extremité ne sçachant que faire ; & craignant effectivement de mourir, sans que l’on sçeust qu’il avoit vaincu ; commença de se trainer lentement ; & d’amasser autant qu’il pût, de Javelots, d’Espées, de Casques & de Boucliers : & ayant entassé toutes ces Armes les unes sur les autres, comme pour en eslever un Trophée ; il prit un grand Bouclier d’argent, qui avoit esté au vaillant Pharnace ; & trempant son doict dans son propre sang, qui recommençoit de, couler abondamment, par l’agitation qu’il s’estoit donnée ; il escrivit en Lettres vermeiles, au milieu de ce Bouclier,

A
IVPITER
GARDE DES TROPHEES.

& le plaça sur le haut de ce superbe amas d’Armes, qu’il avoit entassées aupres