Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/282

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En diſant cela, il ſe mit en poſture de l’attendre : lors que le Roy de Phrigie, qui eſtoit venu avec le Roy de Pont, ravy de la generoſité d’Artamene ; luy cria qu’il n’eſtoit pas juſte qu’un homme qui paroiſſoit ſi vaillant, entrepriſt un nouveau combat en l’eſtat qu’il eſtoit. Mon Maiſtre l’interrompant ; Seigneur, luy dit-il, je n’ay peut eſtre pas aſſez de force pour vivre long temps ; mais j’en ay encore trop, pour vaincre un ennemy ſi foible. Artane eſtoit ſi confondu, qu’il eſtoit aiſé pas de ſincerité en ſes paroles : Cependant Ciaxare ayant mis pied à terre, auſſi bien que les deux autres Rois, fut embraſſer Artamene, & commanda qu’on luy aidaſt à ſe ſoutenir : de ſorte que Feraulas & moy nous approchaſmes pour l’appuyer malgré qu’il en euſt. Ciaxare dit alors, que quand bien Artamene ſeroit en eſtat de combattre, il ne trouvoit pas qu’il le deuſt ſouffrir : n’eſtant pas juſte que le Victorieux hazardaſt une ſeconde fois ſa Victoire. A cét inſtant il ſe fit une conteſtation, qui penſa porter les choſes aux dernieres extremitez : & ſans doute ſi le Roy de Pont n’euſt pas encore eu le bras en écharpe, pour la bleſſure qu’il avoit reçeuë, dans la derniere Bataille, ce deſordre euſt eſté plus avant qu’il ne fut. Mais le Roy de Phrigie comme le moins intereſſé, appaiſa ce deux Princes en quelque ſorte : & dit à ces Rois ennemis, qu’il faloit du temps pour bien examiner cette affaire ; qu’il faloit dire ſes raiſons de part & d’autre ; & ne faire rien inconſiderément. Les deux Rois ayant conſenty à ce que l’autre voulut, ils ſe retirerent : mais Artamene demanda auparavant fort inſtamment, que ſon Trophée ne fuſt point abatu : & qu’il fuſt permis à Ciaxare d’