Cotte d’armes. Artamene redoubla encore. Artane para le mieux qu’il pût : & ſans oſer attaquer un ſi redoutable ennemy, il ſe contenta de ſe tenir ſur la deffenſive : eſperant touſjours que le cheval d’Artamene ſe laſſeroit pluſtost que le ſien : ou qu’il luy arriveroit quelqu’autre accident qui le ſauveroit. Cependant Artamene n’eſtoit pas ſans quelque inquietude : car il voyoit bien qu’il luy eſtoit for aiſé de tuer Artane, s’il vouloit employer toute ſa force : mais ſon eſprit ne ſe contentoit pas de cette eſpece de victoire : & il vouloit avoit la ſatisfaction, d’oüir de la bouche de ſon ennemy, l’adveu de la verité. Il le combatit donc, & l’eſpargna tout à la fois : Mais malgré cét advantage qu’Artamene donnoit à Artane ; ce miſerable n’eut jamais la force de s’en prevaloir. Il fut bleſſé en quatre endroits, ſans qu’il portaſt jamais un ſeul coup d’eſpée à mon Maiſtre : & comme ſi ſon cheval euſt eſté las de porter ce honteux fardeau, l’on voyoit qu’il avoit deſſein de s’en décharger. Comme en effet, mon Maiſtre ayant quelque confuſion, de voir ce laſche ſi long temps devant luy ; & voulant le traiter avec mépris, luy déchargea un ſi grand coup de plat d’eſpée, qu’il l’eſtourdit, & le fit tomber ſur le col de ſon cheval : qui prenant ſon temps, ſe déroba de deſſous luy, & le renverſa demy mort ſur la pouſſiere. Son Caſque en tombant s’oſta de ſa teſte ; ſon eſpée luy échapa de la main ; & il ne luy demeura que ſon Bouclier, dont ſe ſervoit bien mieux que de tout le reſte de ſes armes. Auſſi toſt Artamene deſcendit de cheval : & courant à luy l’eſpée haute, advoüeras tu, luy dit il, indigne ennemy que tu és, ce que tu sçais de ma premiere Victoire ? J’advoüeray tout (luy reſpondit ce miſerable, en ſe couvrant de ſon Bouchlier) pourveu
Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/307
Apparence