Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/306

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du cheval l’eſbranloit ; & l’on voyoit qu’il ne ſongeoit qu’à l’empeſcher d’avancer vers ſon ennemy : comme s’il euſt eu peur d’eſtre trop toſt attaqué. Pour Artamene, il n’en alla pas ainſi : car encore qu’il fuſt monté ſur un cheval noir extrémement beau, ce fut directement à ſa perſonne, que furent toutes les aclamations : bien que ce jour là il n’euſt voulu prendre que des armes toutes ſimples, comme ayant quelque honte de combattre un ſi foible adverſaire. Son corps eſtoit bien planté ; ſa contenance eſtoit aſſurée ; il portoit ſes jambes ſi admirablement ; & paroiſſoit ſi bien eſtre Maiſtre abſolu du cheval qu’il montoit, qu’il eſtoit aiſé de voir, qu’il s’en sçauroit bien ſervir. Comme en effet, les ceremonies ordinaires en pareilles occaſions ne furent pas pluſtost achevées ; & le ſignal fut a peine donné par les Trompettes ; que partant de la main, & pouſſant ſon cheval à toute bride ; il fut contre Artane en hauſſant le bras, avec une impetuoſité eſtrange ; ſans ſonger preſque à ſe ſervir de ſon Bouclier tant il craignoit peu ce foible ennemy. Pour Artane qui ne sçavoit ce qu’il faiſoit, il arriva que laſchant trop la bride à ſon cheval, & puis voulant le retenir tout d’un coup il fit qu’il ſe jetta à coſté par un grand bond : & que ſecoüant la teſte fierement, & ſe cabrant à demy ; il emporta en ſuitte ſon Maiſtre à l’autre bout du champ, ſans qu’Artamene le peuſt joindre. Ce Prince marry de l’avoir manqué, achevant preſtement ſa paſſade, & faiſant prendre la demy volte au ſien, fondit ſur Artane, qui à peine s’eſtoit raffermy dans la ſelle. Il le pouſſa alors, & luy déchargea un grand coup d’eſpée, qui gliſſant ſur ſon Caſque, luy tomba ſur l’eſpaule droite, & en fit jalir le ſang, juſques ſur ſa