Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/316

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pour sommer les habitans de rendre la Place : mais il n’en voulurent rien faire : & dirent à ce Heraut qu’il dist à leur Maistre, que quoy qu’ils se vissent cruellement abandonnez par luy, ils prefereroient tousjours la mort, à la domination du Roy de Galatie. Ciaxare voyant leur fermeté, quoy qu’il l’estimast dans son cœur, ne laissa pas de songer à les attaquer : & pour cét effet, il fit tenir Conseil de guerre : où il fut resolu d’emporter cette Ville de force. Il commença donc son campement ; il ordonna ses quartiers & ses attaques ; il fit travailler à sa circonvalation ; il fit ouvrir la tranchée ; & preparer ses Beliers & ses autres Machines. Pendant cela, Philidaspe qu’en ce temps là nous ne croyons capable que d’une ambition demesurée, n’estoit pas sans inquietude & sans chagrin : & la chose paroissoit si visiblement dans ses yeux, que tout le monde y prenoit garde. Il pensoit que s’il ne se signaloit point en ce Siege, il demeureroit infiniment au dessous d’Artamene ; veû les grandes actions qu’il avoit faites ; & qu’ainsi ce seroit ruiner les grands desseins qu’il avoit. Mais aussi il consideroit en suitte qu’il ne pouvoit faire de belles choses en cette occasion, où mon Maistre estoit destiné au Gouvernement de cette ville, que ce ne fust à l’advantage d’Artamene, qu’il estimoit infiniment ; mais qu’il ne pouvoit pourtant aimer. Le Roy de Pont son costé, n’estoit pas aussi sans inquietude : car enfin l’affection de ces Peuples luy donnoit de la tendresse pour eux : & de plus, il aimoit tousjours Mandane.

Ainsi il est certain que si ce n’eust esté la guerre de Lydie que le Roy de Phrigie craignoit, il n’eust pas esté marry de recommencer celle qui venoit de finir.