Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/317

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Mais Seigneur, il ne tarda guere sans avoir ce qu’il souhaittoit si fort : car le Roy de Phrigie fut adverty en ce mesme temps, que celuy de Lydie n’estoit plus en estat de luy faire la guerre, une partie de ses subjets s’estant revoltez. Cette nouvelle mit d’autres sentimens dans l’esprit du Roy de Pont : Mais pendant qu’il deliberoit sur ce qu’il avoit à faire, Ciaxare fit attaquer Cerasie. Artamene y fit des choses admirables : & Philidaspe y en fit aussi, qui ne furent guere moins merveilleuses. Je ne m’arresteray point Seigneur, è vous décrire ce Siege exactement, ayant encore trop de choses plus importantes à vous dire : je vous diray donc en peu de mots, que les habitans de Cerasie se deffendirent en desesperez, & donnerent une ample matiere la valeur d’Artamene, & à celle de Philidaspe. Cependant, j’ay entendu dire plusieurs fois, long temps depuis à mon Maistre, qu’il n’avoit jamais combatu avec plus de repugnance qu’en cette occasion : car voyant le grand cœur de ces gens là, & leur incomparable fidelité ; ce n’estoit pas sans douleur, qu’il estoit contraint d’employer contre eux, les deniers efforts de son courage. Ils soustinrent quatre affauts, avec une vigueur sans exemple : ils virent leurs Portes rompuës, une partie de leurs Murailles renversées par les Beliers sans se vouloir rendre : & s’estant retranchez vers le plus haut de la ville, ils donnerent encore beaucoup de peine. Philidaspe sans doute ne servit pas peu en ce Siege : & Artamene & luy conçeurent une si haute estime l’un de l’autre en cette rencontre, que l’on peut dire que jamais la valeur ne donna tant d’admiration & si peu d’amitié. Mais enfin, apres que ces infortunez Habitans de Cerasie eurent long temps resisté, ils