Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/318

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furent forcez : Neantmoins auparavant que de les attaquer pour la derniere fois, Artamene supplia le Roy de luy permettre de les envoyer encore sommer de se rendre ; avec assurance d’un pardon general s’ils ne resistoient plus ; ce que Ciaxare luy accorda. En ce mesme instant, il luy vint un Ambassadeur du Roy de Pont, pour le prier de nouveau de vouloir pardonner aux Habitans de cette Ville, quand il les auroit vaincus, & de n’ensanglanter pas sa victoire : il luy repartit, qu’il ne tiendroit qu’aux Rebelles, s’il ne leur pardonnoit pas. Mais cette derniere sommation ne servit de rien : & ces desesperez respondirent, qu’en l’estat qu’estoient les choses, ils ne songeoient plus qu’à mourir glorieusement : que puis que leur Prince les avoit abandonnez comme il avoit fait, ils ne vouloient plus avoir de Maistre : & que par consequent, ils ne pouvoient plus vouloir que la mort, n’ayant point d’autre voye de recouvrer la liberté. Ciaxare voyant donc leur obstination, non seulement les fit attaquer, & les fit prendre ; mais encore malgré toutes les prieres d’Artamene, il les fit passer au fil de l’espée. Ce qui avoit tant irrité le Roy, c’estoit tant qu’effectivement il avoit perdu plus de six mille hommes en ce Siege. Au reste jamais Philidaspe ne combatit mieux, qu’en cette derniere attaque : car comme il voyoit que c’estoit achever de perdre cette miserable Ville ; cette ambitieuse jalousie qui le possedoit, trouvoit quelque douceur, à voir qu’Artamene ne seroit Gouverneur que d’une Ville destruite. Mon Maistre sauva pourtant de ces malheureux, autant qu’il luy fut possible ; & vers la fin du combat, il força le Roy de luy permettre de donner la vie au peu qui restoit, qui fut contraint de la recevoir.