Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/321

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Le Roy de Pont ayant donc sçeu, que l’armée de ses Ennemis estoit partagée, s’avança vers Artamene avec toute la sienne, qui estoit encore de vingt-cinq mille hommes ; resolu de profiter de cette occasion : & de pousser au moins les Troupes de mon Maistre jusques à Anise. L’inegalité du nombre ne pouvant obliger Artamene à se retirer ; je pris la liberté de luy dire, qu’il hazardoit trop en cette rencontre. Je hazarderois bien davantage, me respondit il, si je fuyois le combat : puis qu’enfin je pourrois peut-estre perdre l’estime de ma Princesse. Non, non Chrisante, me dit il, dans le dessein que j’ay d’en estre aimé, il faut faire des choses toutes extraordinaires : gagner des Batailles avec des forces égales, c’est ce que la Fortune fait voir tous les jours, avec une mediocre valeur. Mais les gagner, lors que selon toutes les apparences on les doit perdre ; c’est de ces choses là, dont il faut qu’Artamene face : s’il veut esperer de se mettre assez bien dans l’esprit de Mandane, pour luy faire souffrir Artamene comme Artamene ; ou pour l’obliger à ne haïr pas Cyrus. Enfin Seigneur, il assembla le Conseil de Guerre : Mais comme Philidaspe estoit de son advis, luy qui n’avoit garde de refuser le combat, & de paroistre moins hardy qu’Artamene ; tous les autres Chefs eurent beau faire & beau dire : il falut en cette occasion, que la Prudence cedast à la Valeur. Artamene toutefois ne laissa pas de songer à se mesnager autant qu’il pût : il se saisit tousjours de tous les Postes advantageux : & n’oublia rien, de tout ce que le plus grand Capitaine du monde eust pû faire. Le Roy de Phrigie & le Roy de Pont, essayerent diverses fois, d’enlever quelque Quartier à Artamene ; mais par tout ils furent battus : & de que costé