Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/322

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qu’ils l’attaquassent, ils trouvoient toujours mon Maistre en teste ; ils se voyoient toujours repoussez ; & le voyoient tousjours invincible. Ces deux Rois conçeurent une estime si particuliere pour luy (comme nous l’avons sçeu depuis) qu’ils craignoient bien plus Ciaxare à cause d’Artamene, qu’à cause de sa puissance : soit qu’ils le considerassent comme Fils du Roy des Medes, ou comme Roy de Capadoce & de Galatie. Mais Seigneur, pour ne vous arrester pas si long temps ; l’on peut dire qu’Artamene donna & gagna trois petites Batailles en peu de jours : à la premiere, il s’attacha à un combat particulier avec le Roy de Pont, qu’il blessa legerement, & eut tout l’advantage de cette Journée : à la seconde, les choses furent un peu plus douteuses : & Philidaspe y fit des merveilles, & pensa prendre le Roy de Phrigie prisonnier. Mais à la troisiesme, il arriva une chose à Artamene, qui luy sauva la vie quelque temps apres, comme vous l’apprendrez par la suitte de mon discours : & qui merite que vous la sçachiez. Je vous diray donc Seigneur, que comme Artamene avoit accoustumé à tous les Combats où il se trouvoit, de chercher autant qu’il luy estoit possible, les Chefs du Party contraire ; il fit tout ce qu’il pût pour combattre le Roy de Pont, & comme Roy ennemy, & comme Amant de Mandane. Ainsi le cherchant par tout, il vit à sa droite un Cavalier qui se deffendoit contre quinze ou vingt des siens, avec une valeur extréme. Il s’avance ; il s’en approche ; & reconnoist que c’est le Roy de Pont, qu’ils vont infailliblement accabler par le nombre. Il va droit à eux ; & se faisant aisément connoistre à la voix, Mes Compagnons, leur dit il, arrestez vous ; les Rois ne doivent pas estre