Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/324

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Mais Chrisante, me disoit-il, comment est-il possible, que la Princesse l’ait connu, & l’ait haï ? & que ne dois-je point craindre, moy qui ne suis qu’Artamene, & qui suis bien plus haïssable pour elle, comme fils du Roy de Perse, que comme un simple Estranger ? Apres cela, par un secret sentiment de jalousie, il m’ordonna de m’informer avec soin & avec adresse, de la naissance de l’amour du Roy de Pont ; ce que je fis, & ce que je sçeû facilement : n’y ayant personne en Capadoce qui l’ignorast. Je sçeû donc que le feu Roy de Pont ayant en guerre contre celuy de Capadoce, & en suitte estans venus à quelque traité de Paix ; ils s’estoient donnez des Ostages de part & d’autre : & que le Roy de Pont avoit envoyé un de ses Enfans qui estoit celuy-cy, mais qui n’estoit pas alors l’aisné. Qu’en six mois qu’il avoit esté à la Cour de Ciaxare, son amour avoit pris naissance, qu’il n’avoit pourtant osé tesmoigner ouvertement : parce que ce n’estoit pas luy qui devoit estre Roy, apres la mort de son Pere. Qu’en suitte ce Pere & ce Frere estant morts, & estant parvenu à la Couronne, il avoit envoyé demander la Princesse en mariage, que l’on luy avoit refusée pour diverses raisons, comme je vous l’ay desja dit. Artamene aprenant cela, en fut estranggement inquiet : & toute la vertu de Mandane, sa modestie, & sa severité, eurent bien de la peine à luy persuader, qu’en six mois ce Prince n’eust gagné nulle place en son affection ; genereux, bien fait, Amant, & honneste homme comme il est. Neantmoins, quand il venoit à penser, que personne n’en disoit rien ; que la Princesse se resjoüissoit effectivement, des Victoires qu’il remportoit sur ce Prince, cette crainte se dissipoit, & donnoit