Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/325

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quelque tresve à ses inquietudes ; mais son ame n’en estoit pourtant pas plus en repos. Car, disoit-il, si ce Prince qui est beau, de bonne mine, extrémement vaillant, & plein d’esprit, comme on me l’assure ; n’a pû rien gagner sur son cœur, que puis-je pretendre, moy qui suis Prince sans oser le dire, & qui me dis simplement, un malheureux Estranger, sans biens & sans patrie ? Tant y a Seigneur, que quelques jours apres ce troisiesme Combat, où Artamene avoit eu de l’advantage, & où Philidaspe s’estoit signalé ; il crût qu’il pouvoit aller un peu refraichir ses Troupes, puis que le Roy de Pont en faisoit autant que luy. En ce mesme temps, Ciaxare reçeut celles qu’il avoit donné ordre qu’on luy amenast de toutes ses Places ; acheva de faire ses recruës ; & son armée se retrouva alors, de plus de cinquante mille hommes. Celle du Roy de Pont fut aussi fortifiée d’un puissant secours : & ces deux Rois ennemis, se retrouverent également forts, & également en estat de se disputer la Victoire. Artamene fut reçeu du Roy & de la Princesse, avec des Eloges merveilleux : & Philidaspe en fut aussi assez carressé, quoy que beaucoup moins qu’Artamene, ce qui le mettoit dans un chagrin inconcevable. Durant quelques jours qu’ils furent à Anise, ils virent fort souvent la Princesse, & presque tousjours ensemble, ce qui ne plaisoit guere à Artamene. Que Philidaspe est cruel (me disoit quelquefois mon Maistre) de me dérober la moitié des regards de l’adorable Mandane, & toute la douceur de sa conversation ! Car enfin quoy que tout le monde ne le croye capable que d’une ambition genereuse ; il est aussi assidu aupres d’elle, que s’il en estoit amoureux. Que ne s’attache-t’il à Ciaxare, pour obtenir