Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/328

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quoy que Philidaspe soit extrémement bien fait, & qu’il fust ce jour là fort superbement armé. La Princesse estant donc sur le haut de ces Murailles, accompagnée de toutes les Dames de la Cour, & de toutes celles d’Anise, regardoit filer toutes les Troupes : qui apres avoir passé devant le Roy, s’alloient mettre en bataille assez prés de là, sous les ordres d’Artamene qui marchoit à leur teste : & qui les donnoit de si bonne grace, qu’il attiroit les yeux de tout le monde avec plaisir. L’on eust dit que tout ce grand Corps estoit attaché à luy, par une chaine invisible : Puis qu’au moindre signe de la main, ou de la voix ; il se failoit mouvoir comme il luy plaisoit : tantost à droit, tantost à gauche : tantost en avant, tantost en arriere : tantost en doublant les rangs, tantost en élargissant les files : enfin jamais Sergeant de Bataille n’a mieux entendu son mestier, qu’Artamene l’entendit. Comme il estoit occupé à ce noble exercice, la Princesse vit venir d’assez loin dans la Plaine, un Heraut du Roy de Pont, qui fut aisement remarqué pour tel, par les marques qu’il portoit, qui le faisoient distinguer d’un simple Cavalier : & comme il fut arrivé aux premiers rangs, l’on le conduisit au Roy, auquel il demanda la permission de dire quelque chose à Artamene, de la part du Roy de Pont. Ciaxare au mesme instant, l’ayant fait approcher, ce Heraut luy adressant la parole, Seigneur, luy dit il, le Roy mon Maistre qui vous estime ; qui vous a de l’obligation ; & qui ne veut point devoir la victoire s’il la remporte, à la lascheté des siens ; m’envoye vous advertir, qu’il a sçeu qu’il y a quarante Chevaliers dans son Camp (qu’il ne connoist pas ; car s’il les connoissoit il les feroit tous punir) qui ont conspiré contre vostre vie : &