Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/327

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pour avoir un party assez fort dans le cœur de Mandane, pour le deffendre de sa colere. Il faut auparavant l’obliger par de grands services ; gagner son estime par des actions heroïques ; forcer son inclination, par une complaisance continuelle ; divertir son esprit par toutes les voyes possibles ; & meriter son amitié, par la plus respectueuse passion qui sera jamais ; & apres cela, nous pourrons peut-estre luy parler d’amour. Mais helas ! adjoustoit-il, si Philidaspe l’obsede tousjours, comment en pourray-je trouver les moyens ? En suite, il y avoit des moments, où il craignoit que Philidaspe n’eust de l’amour aussi bien que de l’ambition : & cette amour enfin, luy inspiroit tant de pensées differentes ; que l’on peut dire, que personne n’a jamais guere plus souffert.

Cependant toutes les recruës estant arrivées comme je l’ay dit, le Roy avant que marcher vers son Ennemy, qui s’estoit remis en campagne, pour venir luy presenter la Bataille ; fit faire une reveuë generale à son Armée ; & la fit toute passer devant les Murailles d’Anise, sur lesquelles estoit la Princesse, pour regarder cette ceremonie guerriere. Artamene avoit ce jour là des Armes toutes simples : quoy qu’il en eust d’admirablement belles qu’il avoit fait faire, & que personne n’avoit encore jamais veües. Mais il ne voulut pas les porter à un jour de Montre, qu’il ne les eust portées auparavant à un jour de Combat : nous respondant en riant, à Feraulas & à moy qui l’en pressions ; que des Armes n’estoient point belles à separer, si elles n’estoient émaillées du sang des Ennemis. Mais quoy qu’il se fust confié ce jour là à sa seule bonne mine ; il ne laissa pas toutefois de paroistre plus que tout le reste de l’Armée, & que Philidaspe mesme :