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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/334

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qui est un charme particulier presque pour tout le monde : afin que s’estant un obstacle l’un à l’autre, il peust par l’un & par l’autre, conserver sa puissance & son credit. Cependant, mon Maistre qui n’a jamais laissé échaper une occasion d’inquietude dans son amour, en eut beaucoup lors qu’il aprit que la Princesse apres l’avoir loüe, avoit aussi parlé assez advantageusement, de la generosité du Roy de Pont. Que je suis malheureux ! (nous dit il le soir quand il se fut retiré) & que ne dois-je point craindre de ma fortune, puis qu’elle employe des artifices tout particuliers pour me tourmenter ! Trop genereux Ennemy, s’escria-t’il, que ne laissois tu conjurer contre ma vie, sans me la vouloir conserver, d’une façon si cruelle ? Que ne cherchois tu d’autres voyes, pour aquerir l’estime du monde, sans vouloir que je servisse moy mesme à te la faire meriter ? Mais aussi, adjoustoit il, je suis coupable, de ne faire pas sçavoir au Roy de Pont, quels sont mes veritables sentimens : c’est abuser de sa generosité, que de luy cacher un Rival, contre lequel il conjureroit peut-estre luy mesme, s’il le connoissoit tel qu’il est. Mais helas ! oseray-je descouvrir mon amour à mon Rival, moy qui n’oserois en parler ma Princesse ? Mais aussi endureray-je tousjours, que le Roy de Pont m’accable d’obligation, & me force malgré moy à luy rendre generosité pour generosité ; & à luy conserver une vie, que je voudrois luy oster ; & que je luy osteray infailliblement, dés que j’en trouveray une occasion honorable, s’il ne change de passion ? Helas malheureux Prince, reprenoit il, que je