Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/342

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dire à Artamene & à Philidaspe, que le Roy les demandoit, & qu’il s’en alloit partir : & certes il fut peut-estre à propos, que cét ordre arrivast ainsi : car si la conversation eust continué entr’eux, en l’absence de la Princesse ; je croy qu’ils se seroient querellez, tant ils avoient de disposition à n’estre pas bien ensemble. Cette precipitation avec laquelle il faloit aller, fit que chacun ne songea qu’à obeïr : & ne s’amusa point à parler, en un temps où il faloit songer à agir. Ils furent donc trouver le Roy : & toute l’Armée qui avoit desja commencé de marcher, s’avança droit vers l’Ennemy, qui n’estoit qu’à deux petites journées de là. Je ne doute pas que vous ne soyez surpris, d’entendre parler de tant de Batailles, comme Artamene en donna & en gagna en cette guerre : mais Seigneur, vous n’ignorez pas, que comme il n’y a pas un fort grand nombre de Places fortes, ny en Bythinie, ny en Galatie, ny en Capadoce ; la Victoire est sans doute à celuy qui se peut rendre Maistre de la Campagne : ce qui ne se peut faire, qu’en donnant & en gagnant des Batailles. Le premier jour de cette marche, Artamene fut assez resveur : & comme je sçavois bien que ce n’estoit pas l’inquietude du peril qui l’attendoit, qui luy causoit cette resverie ; je luy en demanday la cause : & je sçeu que cette capricieuse passion, qui se fait une affaire d’importance, d’une fort petite chose ; avoit occupé tout ce jour là l’esprit de mon Maistre, à determiner, si le refus que la Princesse luy avoit fait de cette Escharpe qu’il luy avoit demandée, avoit esté veritablement causé, par le sentiment qu’elle avoit tesmoignée avoir : ou par quelque autre qui ne luy fust pas si advantageux. Est-ce, me disoit il, qu’en effet elle ait eu soing de ma vie ; &