bien loing de l’entretenir ; & s’il eust pû s’en separer il l’eust presque souhaité ; tant il est vray, qu’elle se faisoit autant craindre, comme elle se faisoit aimer. Philidaspe & Artamene demeurerent donc encore quelque temps avec elle, sans oser se tesmoigner ouvertement, cette secrette aversion qu’ils avoient tous deux l’un pour l’autre : & comme ils luy estoient tous deux esgalement inconnus, elle les traita à peu prés, avec une esgalle civilité. Neantmoins comme Artamene avoit commandé Philidaspe, à la derniere occasion ; & que peut-estre aussi l’inclination de la Princesse l’y porta ; elle fit un peu plus d’honneur à Artamene qu’à Philidaspe. Comme ils furent prests à partir, allez, leur dit elle, genereux Estrangers ; & mesnagez si bien vostre vie le jour de la Bataille, que ce soit de vostre bouche à tous deux, que j’apprenne les particularitez de la victoire. Mais sur toutes choses, dit elle, en se tournant vers mon Maistre, je vous recommande le Roy. C’est à moy, Madame, repliqua Philidaspe, à qui apartient cét honneur : car pour Artamene, devant avoir quarante Chevaliers à combattre, il ne faut pas luy en demander davantage. Nous verrons, Madame, à la fin de la Bataille, respondit froidement Artamene, qui se sera le mieux aquité de son devoir : car si je ne me trompe, c’est de cette espece de chose, dont il est permis de juger par l’evenement. Je jugeray tousjours, reprit la Princesse, que vous ferez l’un & l’autre tout ce que des gens de grand cœur doivent faire : & je m’en vay demander aux Dieux, qu’ils vous facent vaincre & triompher. En disant cela, elle les quitta tous deux, & s’en alla effectivement au Temple.
Un moment apres, il vint un Lieutenant des Gardes,