Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/345

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que moy qui en ay esté le tesmoin, ay peine à comprendre comment il les pût executer. Il avoit donc suivant son intention, & ce qu’il avoit promis au Heraut du Roy de Pont, ces magnifiques Armes, que je vous ay representées : si bien qu’il ne fut pas difficile aux quarante Chevaliers de la conjuration de le connoistre ; de l’attaquer ; & de le combatre, quand ils le jugerent le plus à propos. Ils avoient resolu entr’eux, comme nous l’avons sçeu depuis ; de ne l’attaquer jamais seul à seul ; & de tascher tousjours de le surprendre, lors qu’il seroit occupé contre quelques autres de leur Party : Mais comme Artamene estoit preparé, il ne leur fut pas possible d’executer leur dessein. D’abord que les Armées furent à la portée de la fleche, & que de part & d’autre l’on eut obscurcy l’air, par une gresle de traits ; Feraulas & moy qui n’avions des yeux que pour Artamene, remarquasmes qu’il en estoit plus accablé, que tous ceux qui l’environnoient ; que son Bouclier, quoy qu’il fust couvert d’une lame d’or, en estoit tout herissé ; & qu’ainsi il y avoit grande apparence, que plusieurs personnes concertées, n’avoient visé qu’à luy seul. Mais Artamene sans s’estonner du prejugé qu’il devoit avoir, du peril où il alloit estre exposé ; secoüant fortement son bras gauche, pour le décharger de la pesanteur des fleches qui l’incommodoient ; & se tournant vers ceux qui estoient à l’entour de luy ; allons, leur dit il, mes Compagnons, vaincre ceux qui nous combatent si bien de loin : & qui peut-estre ne seront pas si vaillans l’espée à la main qu’à tirer de l’arc. En disant cela, il s’avança le premier ; tout le suivit, & tout se mesla : mais avec tant de courage, tant d’ardeur, & tant de precipitation ; que l’aisle gauche