Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/346

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des Ennemis en fut esbranlée, & pensa plier entierement. Un moment apres pourtant, elle se r’affermit & se r’assura, & le combat fut estranggement opiniastré. Cependant les quarante Chevaliers qui devoient tuer Artamene, n’oublierent pas ce qu’ils avoient promis, à celuy qui les faisoit agir : & il fut aisé de les distinguer des autres ennemis, qui n’avoient pas un dessein particulier contre sa vie. Car pour ceux-cy, ils fuyoient tous ceux des nostres qui les attaquoient, & ne cherchoient que mon Maistre : Si bien qu’il estoit impossible, qu’il peust jamais joüir de certains momens de relasche, que l’on a quelquefois dans les plus sanglantes Batailles. Par tout où il alloit il estoit tousjours en estat d’estre enveloppé : s’il en attaquoit un, il estoit aussi tost attaqué par trois ou quatre : s’il en tuoit un, il en reparoissoit deux : plus il se deffendoit, plus il estoit accablé : plus il en faisoit trébucher, & plus ceux qui restoient debout, redoubloient leurs efforts pour achever leur dessein. Feraulas & moy, faisions ce que nous pouvions pour luy aider à combattre ces cruels Ennemis, qui le poursuivoient si opiniastrément : toutefois si sa propre valeur ne l’eust mieux garanty que la nostre, tous nos efforts eussent sans doute esté vains. Mais Seigneur, il fit des choses si surprenantes ; que l’on n’ose presque les raconter, tant elles sont incroyables. Comme le Chef de la Conjuration estoit aussi fin, & aussi méchant qu’il estoit lasche ; il avoit commandé à quelques uns de ces Chevaliers, de ne songer qu’à tuer le cheval d’Artamene : afin qu’estant renversé par terre, il fust plus aisé à leurs compagnons de le tuer. En effet, cét accident luy arriva par deux fois. A la