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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/355

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Tente où estoient ces Chevaliers : s’imaginant que ce pouvoit estre quelque chose, qui regardoit le service du Roy. Comme il y fut arrivé, le blessé parla le premier : Seigneur, luy dit il, apres m’avoir donné de si puissantes marques de vostre valeur, par les blessures que je porte, & que j’ay reçeuës de vostre main, je veux vous donner une ample matiere d’exercer vostre justice ou vostre clemence. Ce sont deux Vertus, repliqua mon Maistre, au choix desquelles il n’est pas dangereux de se tromper : Neantmoins mon inclination panchant tousjours plus tost vers l’indulgence que vers la rigueur ; vous devez presque estre asseuré, laquelle des deux je dois suivre. Seigneur, interrompit le Chevalier qui n’estoit pas blessé, ce que mon Frere vous veut dire, & que je vous diray pour luy, à cause de sa foiblesse, vous surprendra assez pour vous mettre en peine de ce que vous aurez à faire ; & suffiroit mesme pour justifier toute la rigueur que vous pourriez avoir contre nous. Car enfin, Seigneur, poursuivit-il en se jettant à ses pieds, nous sommes des lasches & des Criminels, que la connoissance de vostre vertu a rendus vertueux, en les rendant amoureux de vostre gloire : & qui par consequent, ne pouvons plus souffrir la vie, que nous n’ayons reparé par quelque petit service, le mal que nous vous avons voulu faire. Artamene entendant parler ces Chevaliers de cette sorte, ne sçavoit que penser ; lors qu’enfin celuy qui estoit blessé reprit la parole, & luy dit avec quelque peine, Seigneur, pour ne vous tenir pas davantage en suspens ; & pour vous tesmoigner que nous sommes veritablement repentans de nostre crime, puis que nous le descouvrons nous mesmes ; sçachez, Seigneur, que nous estions