Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/356

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mon Frere & moy du nombre de ces quarante Chevaliers, qui avoient conjuré contre vostre vie : & qui l’ont attaquée avec tant de lascheté, à la derniere Bataille. Helas ! mes Amis (dit alors Artamene, interrompant celuy qui parloit, & les regardant tous deux sans aucune esmotion) par quels mouvemens avez vous agy, & par quels mouvemens agissez vous ? Pourquoy m’avez vous voulu perdre ? pourquoy me voulez vous sauver ; & pourquoy voulez vous encore vous exposer à la discretion d’un Vainqueur justement irrité Seigneur, reprit ce Chevalier, nous avons voulu vous perdre, parce que nous estions malheureux : & que l’espoir de la recompense, a esté plus puissant en nous, qu’un veritable desir de gloire. Mais aujourd’huy, Seigneur, vostre illustre exemple nous à mieux instruits : & nous preferons une action de vertu, à toutes les Grandeurs de la terre. C’est pourquoy nous avons mieux aimé hazarder nostre vie, en vous descouvrant nostre faute, que d’exposer encore une fois la vostre, en ne vous aprenant pas, que le Chef de la conspiration est en vos mains sans estre connu : & que si on le delivre par l’eschange des Prisonniers, il n’en deviendra peut-estre pas meilleur pour cela : & attentera une seconde fois, contre la Personne du monde de qui la vie est la plus glorieuse. Quoy, s’escria alors Artamene, le Chef de la conspiration est entre mes mains ! & quel peut-estre cét homme que je n’ay point offensé, qui me haït si estranggement ; & qui se haït si fort luy mesme, qu’il prefere la mort de son enemy à sa propre gloire ? C’est Artane, Seigneur (repliquerent tout à la fois ces deux Chevaliers. ) C’est Artane ! reprit mon Maistre fort estonné ;