Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/364

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en l’affaire des quarante Chevaliers : neantmoins depuis qu’Artane avoit esté renvoyé, quelques esprits mal intentionnez, ou peut-estre Artane luy mesme ; avoient fait courir un bruit sourd, que le Chef de cette conspiration n’avoit pas esté bien connu : & ils faisoient entendre tacitement, que le Roy de Pont, quoy qu’il eust envoyé advertir Artamene de cette entreprise sur sa vie, en estoit toutefois l’autheur : & que cette generosité n’estoit au fonds qu’une finesse. Ce Prince ayant donc sçeu ce qui s’estoit dit, voulut en s’aquittant de ce qu’il devoit à Artamene, se justifier pleinement de cette fausse accusation : & pour cét effet, les deux Rois firent publier dans leur Camp, un Commandement absolu, de ne se servir ny d’Arcs, ny d’Arbalestes, ny de Frondes, ny de Javelots, contre Artamene, dont les Armes estoient assez remarquables, pour ne s’y pouvoir tromper : de n’employer contre luy que l’Espée seulement : & de ne le combattre que seul à seul, autant que la confusion d’une Bataille le pourroit permettre : ne voulant pas qu’un homme si vaillant, mourust de la main d’un lasche, qui pourroit le tuer de loin par un coup de fleche : ny qu’il fust accablé par le nombre, comme Artane avoit pensé l’accabler. Jugeant, disoient ils, qu’il y alloit de la gloire de leurs Nations d’en user de cette sorte : & de tesmoigner, qu’ils n’avoient pas besoin pour vaincre d’estre plusieurs contre un seul, quelque vaillant qu’il peust estre. Le jour d’apres ce commandement, Artamene qui ne se fioit qu’à luy mesme, de toutes les choses importantes : & qui exerçoit successivement (s’il est permis de parler ainsi) toutes les Charges