Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/365

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de l’Armée, tant il estoit vigilant, & capable de toutes choses : fit une partie pour aller reconnoistre la contenance de l’Ennemy. Le Roy de Pont qui en fut adverty par un Espion, destacha pareil nombre des siens, pour aller repousser ceux qui le venoient regarder de si prés. Mais Artamene fut bien surpris de remarquer que luy qui avoit accoustumé de se voir tout couvert d’une gresle de Fleches & de Traits, n’en estoit plus touché que par hazard : & que bien loing d’estre enveloppé par la multitude à son ordinaire, il ne se voyoit presque jamais qu’un Ennemy à la fois. Il en attaquoit plusieurs ; mais il n’estoit attaqué que par un seul : & au milieu d’un combat de douze cens hommes, l’on peut dire qu’il faisoit un combat particulier, puis qu’il n’en avoit jamais qu’un à la fois sur les bras. Cét evenement l’estonnoit un peu ; car la chose n’avoit accoustumé d’aller ainsi : Neantmoins dans la chaleur de l’action, il ne fit qu’une legere reflexion là dessus : & ne songea qu’à remporter la victoire. Comme en effet, une bonne partie des Ennemis fut taillée en pieces ; beaucoup demeurerent prisonniers ; & le reste se sauva en desordre & en confusion. Artamene estant retourné au Camp, les prisonniers que l’on avoit faits, esperant en estre mieux traitez, y publierent la generosité de leur Maistre : & de la défense qu’il avoit faite en faveur du mien. Ces Soldats y ayant descouvert un procedé si peu commun, & Artamene l’ayant sçeu, il les fit delivrver au mesme instant : les priant de dire au Roy leur Maistre, qu’il verroit bien tost qu’il n’estoit peut-estre pas absolument indigne de l’honneur qu’il luy faisoit : & qu’il sçauroit aussi bien recevoir ses bons offices que ses bons advis. J’estois aupres de luy