Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/369

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Mais vaillant, Prince poursuivit-il, nous avons assez disputé de generosité : voyons donc aujourd’huy si nous sçaurons aussi bien combattre, que nous sçavons reconnoistre un bien-fait : car enfin je ne me trompe, nous pouvons nous vaincre l’un l’autre sans deshonneur. A ces mots le Roy de Pont voulut encore repartir quelque chose : mais Artamene luy faisant signe qu’il valoit mieux combattre que parler, s’avança vers luy : & alors ces excellens hommes commencerent un combat, qui eust peut-estre esté funeste à tous les deux ; si la nuit & la foule les eust separez malgré qu’ils en eussent : & n’eust par consequent laissé, & la Victoire generale, & la Victoire particuliere un peu douteuses. Le plus grand advantage demeura toutefois du costé d’Artamene : car il perdit peu de gens ; en tua beaucoup ; & fit grand nombre de prisonniers : mais enfin comme le combat n’estoit pas finy, lors que la nuit estoit survenuë ; que les uns & les autre estoient demeurez sur les Armes, & les autres estoient demeurez sur les Armes, & sur le Champ de Bataille ; l’on ne pouvoit pas dire qu’elle eust esté absolument perdue, ny absolument gagnée. Neantmoins elle fut cause en partie, de la prise de la Ville que Philidaspe assiegeoit, parce qu’apres cela, l’Armée du Roy de Pont ne se trouva plus assez forte pour estre partagée : ny pour oser entreprendre devant la nostre, d’aller secourir cette Place, en s’enfermant entre deux Armées.

Le lendemain Artamene estant adverty que deux mille hommes venoient par un chemin destourné, le long de certaines Montagnes qui bornent la Plaine d’Anise & de Cerasie, pour se rendre au Camp des Ennemis, où ils escortoient l’argent d’une Montre,