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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/374

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Vous avez raison, Madame, (repartit Artamene, en la regardant avec beaucoup d’amour & de respect) de dire qu’il faudroit estre parfait en toutes choses, pour meriter l’affection d’une illustre Princesse : Mais, Madame, il faudroit sans doute aussi qu’elle vous ressemblest, pour pouvoir sans injustice demander ce qui ne se trouve point aux hommes, je veux dire la perfection : & si elle n’accordoit jamais cette affection qu’à ceux qui en seroient dignes, ce seroit un thresor qui ne seroit possedé de personne : quoy qu’infailliblement il fust desiré de tous les Princes de la Terre. Je ne sçay pas poursuivit-elle, si la bien-veüillance d’une Princesse qui me ressembleroit, seroit une chose assez precieuse, pour pouvoir la nommer un thresor : mais je sçay bien du moins que si elle me ressembloit parfaitement, cette bien-veüillance ne seroit pas aisée à aquerir. Puis que de dessein premedité, je suis resoluë, de ne donner jamais legerement aucune par en mon amitié : & de combattre mesme pour cela, mes propres inclinations, si elles entreprenoient de me vaincre. Je ne sçay, Madame, interrompit Philidaspe, si cette dureté de cœur, n’est point aussi condamnable, en une personne de vostre Sexe, que vous trouvez que l’orgueil l’est au nostre ; je ne le pense pas, dit-elle ; car si je le croyois, je changerois peut-estre de sentimens. Mais quoy qu’il en soit, pour vous tesmoigner que je ne suis pas injuste, sçachez que je suis aussi liberale de mon estime, que je suis avare de mon amitié : puis qu’enfin, je ne la refuse pas mesme à mes plus grands ennemis, lors qu’ils la meritent. Juges donc, dit-elle à Artamene, si je n’ay pas pour vous, non seulement beaucoup d’estime, mais mesme beaucoup d’admiration, apres