Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/375

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tant de belles choses que vous avez faites : & juges aussi Philidaspe, dit-elle en se tournant vers lux, si vous n’avez pas droit de pretendre une grande part en mes loüages, apres tout ce que vous venez de faire. C’estoit de cette sorte que cette adroite & sage Princesse, entretenoit deux personnes, qu’elle voyoit fort ambitieuses, & fort jalouses de leur propre gloire : & c’estoit aussi pour cela, qu’elle n’avoit osé exagerer les grandes actions que mon Maistre avoit faites : de peur que Philidaspe, qui paroissiot le plus inquiet & le plus violent ne s’en offençast. Ils se separerent donc ; & tres satisfaits de la civilité de Mandane ; & tres affligez d’avoir apris de sa bouche, combien son affection estoit difficile à aquerir. Du moins y a-t’il apparence, que Philidaspe estant aussi amoureux qu’Artamene, eut à peu prés les mesmes sentimens que luy, & peut-estre encore plus fascheux : puis qu’enfin dans le discours de la Princesse, il y avoit tousjours eu quelques paroles, un peu plus obligeantes pour son Rival que pour luy.

Cependant Ciaxare ne parla plus que de festes & de resjoüissances publiques. Astiage aprenant ses Victoires, envoya s’en resjoüir avec son Fils : & fit mesme faire un grand compliment à mon Maistre, de la valeur duquel il avoit assez entendu parler. La Cour ne fut jamais si grosse, ny si belle qu’en ce temps là : tous les Chefs de l’Armée estoient à Sinope : & presque toutes les Femmes de qualité des deux Royaumes s’y rendirent. La conversation estoit assez libre chez la Princesse : il n’y avoit point de jour que le Roy n’allast à son Apartement : & que par consequent, tout le monde n’eust la permission d’y entrer. De plus, comme le Roy connoissoit parfaitement la vertu de Mandane, elle ne laissoit