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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/379

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quel bizarre evenement estoit celuy-là, qui faisoit que la Princesse vouloit sçavoir, ce qu’ils ne pouvoient luy dire : & ce qu’elle eust esté bien estonnée d’apprendre, s’ils eussent eu la hardiesse de luy declarer ce qu’ils en sçavoient, quoy que chacun en particulier ne sçeust pas tout ce qu’il y avoit à sçavoir. Car il est certain, qu’elle ne soubçonnoit encore rien de la passion d’Artamene, ny de celle de Philidaspe : & que Philidaspe & Artamene aussi, se haïssoient plustost par quelques pressentimens secrets qu’ils avoient de leurs desseins ; que par aucun sujet raisonnable qu’ils eussent de se douter de la verité des choses. Cependant la Princesse qui croyoit agir fort advantageusement pour le service du Roy son Pere, de tascher de concilier les esprits de deux hommes de cette importance : les pressa encore de vouloir luy dire, quel estoit cét obstacle, qui s’opposoit à leur amitié. Madame, luy respondit Artamene, il ne me seroit pas aisé de vous l’apprendre : puis qu’il est vray que pour l’ordinaire, je n’ay pas accoustumé d’avoir de l’indifference pour ceux que j’estime : pour moy, repliqua Philidaspe, je vay bien plus loing que cela : & je dis que je n’ay guere accoustumé de n’avoir que de l’indifference, pour ceux que je n’aime pas ; soit que je les estime ou que je les méprise. Mon cœur, poursuivit il, ne sçait point comment il se faut arrester, dans cette juste mediocrité, qui separe la haine & l’amitié : & quoy que je puisse faire, je panche tousjours vers l’une ou vers l’autre. Vous me donnez beaucoup de joye (respondit la Princesse avec precipitation, de peur qu’Artamene ne dist quelque chose qui aigrist davantage l’esprit de Philidaspe) car je n’ay garde de vous soubçonner de haïr un