Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/380

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homme du merite d’Artamene : qui ne vous a point offensé ; que toute la Cour adore ; que le Roy mon Pere aime cherement ; & que j’estime beaucoup ainsi Philidaspe (poursuivit-elle, sans luy donner loisir de parler) ne pouvant sans doute haïr Artamene, je conclus qu’il faut de necessité que vous l’aimiez un peu : & cela estant ainsi, j’espere que je n’auray pas grand peine à faire que vous l’aimiez beaucoup. Car, dit-elle en se tournant vers Artamene, vous ne me resisterez pas sans doute : & vous ne serez pas tousjours indifferent pour Philidaspe : Luy, dis-je, qui a cent bonnes qualitez ; luy que le Roy estime aussi infiniment, luy qui certainement vous aime desja un peu ; & qui merite l’approbation de personnes bien plus connoissantes que je ne suis. Et puis, adjousta-t’elle, si mes prieres vous sont en quelque consideration, vous ferez pour l’amour de moy, qu’à l’advenir toute la Cour ne parlera, que de la bonne intelligence qui sera entre vous : & ne s’estonnera plus de cette froideur, qui paroist en toutes vos actions ; en toutes vos paroles ; & dont la cause est ignorée de tout le monde. Nous ne la sçavons peut-estre pas nous mesmes, reprit Philiaspe : Mais enfin, adjousta la Princesse, soit que vous la sçachiez, ou que vous ne la sçachiez pas ; vous ne laisserez pourtant pas de faire ce que je desire. Les Dieux, Madame, interrompit Artamene, à ce que je voy, sont bien moins rigoureux que vous : puis qu’ils nous laissent la liberté d’aimer ou de haïr, ceux que nous jugeons dignes de nostre affectio, ou de nostre haine. Contentez vous Madame, de cette authorité legitime, que vos rares qualitez vous ont donnée sur les cœurs de tous ceux qui ont l’honneur de vous approcher : &