Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/383

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d’avis contraire) eust elle pû haïr un Prince, qu’elle n’avoit jamais veû ; qui estoit son parent ; & que l’on assure qui avoit beaucoup de merite ? cela n’eust pas esté raisonnable ; ny mesme n’eust pas esté possible. Mais, respondit mon Maistre, vous venez de dire ce me semble, que Cyrus devoit renverser toute l’Asie, & oster la Couronne à la Princesse : Mais je l’ay dit, repartit brusquement Philidaspe, parce que les Mages l’ont dit, sans y voir guere d’aparence. Cyrus, respondit froidement mon Maistre, vous seroit obligé s’il vivoit encore ; & il ne vous l’est pas beaucoup, reprit Philidaspe, de vouloir qu’on le haïsse tout mort qu’il est. Puis que le Roy mon Pere, leur dit la Princesse, devoit vous avoir l’un & l’autre à son service, je pense que Philidaspe a raison : & qu’il n’eust pas esté aisé à Cyrus de nous détruire, tant que nous eussions eu de si genereux defenseurs. Ce sentiment nous est bien glorieux Madame, respondit Artamene ; & j’adjousterois bien agreable, reprit Philidaspe, si elle n’avoit nommé que moy.

Je vous laisse à juger Seigneur, quel effet ces discours faisoient en l’esprit de mon Maistre : Mais comme il alloit encore repartir quelque chose, le Roy arriva, qui rompit la conversation. Comme il eut esté quelque temps avec Mandane, il fut se promener au bord de la mer, où tout le monde le suivit : le hazard qui se mesle de toutes choses, fit malheureusement qu’Aribée se mit à entretenir le Roy en particulier : si bien qu’Artamene & Philidaspe, s’estant trouvez l’un aupres de l’autre, firent cette promenade ensemble. Mais comme ils estoient sortis de chez la Princesse l’esprit irrité, ils furent quelque temps sans parler : mon Maistre &