Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/386

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trompé comme les autres : tant parce que j’avois accoustumé de les voir tousjours assez chagrins, quand ils estoient seuls ensemble, sans qu’il en arrivast aucun malheur ; que parce qu’en effet l’on peut dire ; que mon Maistre a esté presque l’inventeur des combats particuliers : & qu’ainsi je ne pouvois pas prevoir ce qui arriva en suite.

Le soin Artamene estant retiré, s’enferma seul dans son Cabinet avec Feraulas, auquel il confia son dessein, parce qu’il avoit besoin de luy pour l’executer, & pour luy faciliter les voyes de sortir sans estre aperçeu : Feraulas, à ce qu’il m’a dit, voulut luy representer, que Philidaspe paroissoit estre d’une condition si inégale à la sienne, qu’il y avoit de l’injustice, à mesurer son espée contre luy : Mais il luy respondit, qu’Artamene ne paroissoit pas estre plus que Philidaspe : qu’il faloit plus regarder la valeur que l’a condition, dans les combats : & qu’apres tout, il croiroit se battre plus glorieusement contre un vaillant Soldat, que contre un grand Roy qui seroit lasche. Cependant Seigneur, quoy que l’action qu’Artamene avoit à faire, deust luy occuper tout l’esprit, cela ne l’empescha pas de raconter à Feraulas qui l’escoutoit, la conversation qu’il avoit euë chez la Princesse avec Philidaspe : & d’y faire toutes les reflexions qu’il eust pû faire, en un temps où il n’auroit point eu de peril à courre, tant cette passion occupoit son ame : & tant cette grande Ame est ferme, au milieu des plus grands dangers. Quel a esté le dessein de Mandane, disoit-il à Feraulas, en voulant si opiniastrément, que nous nous aimassions Philidaspe & moy ? n’est-ce qu’un simple effet de sa prudence & de sa bonté ; ou en seroit-ce un de quelque secrette bienveüillance, pour Artamene