Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/387

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ou pour Philidaspe ? a-t’elle veû dans mon cœur, poursuivoit-il, les soubçons qui entretiennent l’aversion que j’ay à l’aimer ? Mais helas ! s’il estoit ainsi, elle sçauroit que je l’adore : & n’ignorant pas ma passion, elle ne m’auroit pas souffert aupres d’elle : & bien loing de s’amuser à me commander d’aimer Philidaspe ; je m’imagine qu’elle m’auroit plustost deffendu de la voir : & qu’elle m’auroit mesme plustost commandé de mourir. O. Dieux ! poursuivoit-il, ne sçauroi-je sçavoir precisément, si Philidaspe n’a que de l’ambition, ou s’il n’a que de l’amour ? quoy qu’il en soit, je puis esperer que s’il est amoureux, la Princesse ne sçait rien de sa passion non plus que de la mienne. Et ce qu’elle nous a dit au commencement de son discours, me le fait assez connoistre. Je vous crois trop genereux, a-t’elle dit, pour vous soupçonner d’une pareille foiblesse : Ha ! Mandane, illustre Mandane, s’escrioit-il, que cette foiblesse est glorieuse ! & qu’il faut avoir l’ame grande pour en estre capable ! Mais est-il possible, adjoustoit-il encore, que mes yeux, & toutes mes actions, ne vous ayent pas au moins donné un leger soubçon de mon amour ? & que tant de choses que j’ay entreprises à la guerre, & que j’ay executées assez heureusement ; ne vous ayent pû faire concevoir, que je ne les ay faites que pour vous ? M’a-t’on veû demander, les recompenses que l’on m’a données ? Ay-je paru interessé ? & Mandane, la divine Mandane, n’a-t’elle point deû imaginer, qu’Artamene estoit poussé à ce qu’il faisoit, par quelque passion encore plus noble que l’ambition ? Cependant Feraulas, reprenoit-il, cette aimable & aveugle Princesse, bien loing d’en avoir quelque legere connoissance, a adjousté à ce qu’elle avoit desja dit ; &