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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/388

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peut-estre n’y a-t’il pas une de mes Filles, qui n’ait-fait un reproche secret à sa beauté, de n’avoir pû vous donner des chaines, depuis que vous estes à la Cour : où l’on ne remaque pas, que vous ayez un attachement de cette espece : Ha trop injuste Princesse, s’escrioit-il ; pourquoy ne le remarquez vous pas ? & pourquoy ne dites vous pas plustost en vous mesme, puis qu’Artamene n’aime rien dans la Cour, il m’aime sans doute ? Mais helas ! poursuivoit-il, Mandane m’a bien fait voir par ce discours, qu’elle ne me voudroit pas pour sa conqueste : & qu’elle croit m’avoir encore assez fait d’honneur, de me dire, que la beauté de ses Filles pourroit m’avoir donné des chaines. Seigneur, luy dit alors Feraulas, ce n’est qu’Artamene qui a reçeu ce leger outrage : il est vray, reprit-il : mais Cyrus n’est-il pas fait comme Artamene ? Mais est-il permis à Artamene d’estre Cyrus ? & Cyrus peut-il cesser d’estre Artamene, sans commencer d’estre haï ? ha cruelle parole, s’escrioit-il de nouveau, que tu me donnes de douleur & de desespoir ! Car enfin, je veux que Mandane connoisse ma passion sans que je la luy die : & le moyen qu’elle le puisse jamais, si elle s’amuse à chercher dans toute la Cour, qui peut m’avoir surmonté ? & si elle ne s’avise jamais, que l’on ne la peut voir sans l’aimer ; & que quand Artamene ne seroit qu’Artamene, ayant le cœur aussi grand qu’il l’a, il ne pourroit s’abaisser à aimer ailleurs ? Ce qui me console un peu en cette occasion, c’est qu’elle n’a pas mieux traité mon pretendu Rival que moy : & qu’il y a mesme eu dans son discours, quelques paroles un peu plus obligeantes pour Artamene que pour luy. Il y en a pourtant eu de bien cruelles, poursuivoit-il ; & si j’eusse esté fortement assuré que Philidaspe eust esté mon Rival, j’en serois mort