Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

courboient quelquefois vers la plus grande partie de la Ville, qu’elles avoient desja toute embrazée ; & de laquelle elles n’avoient presque plus fait qu’un grand bûcher. L’on les voyoit passer d’un lieu à l’autre en un moment ; & par une funeste communication, il n’y avoit quasi pas un endroit en toute cette déplorable Ville, qui n’esprouvast leur fureur. Tous les cordages, & toutes les voilles, des Vaisseaux & des Galeres, se destachans toutes embrazées, s’eslevoient affreusement en l’air, & retomboient en estincelles, sur toutes les maisons voisines. Quelques unes de ces maisons estant desja consumées, cedoient à la violence de cét impitoyable vainqueur ; & tomboient en un instant, dans les Ruës & dans les Places, dont elles avoient esté l’ornement. Cette effroyable multitude de flames, qui s’élevoient de tant de divers endroits ; & qui avoient plus ou moins de force, selon la matiere qui les entretenoit, sembloient faire un combat entr’elles, à cause du vent qui les agitoit ; & qui quelques-fois les confondant & les separant, sembloit faire voir en effet, qu’elles se disputoient la gloire de destruire cette belle Ville. Parmy ces flames esclattantes, l’on voyoit encore des tourbillons de fumée, qui par leur sombre couleur adjoustoient quelque chose de plus terrible, à un si espouvantable objet : & l’abondance des estincelles, dont nous avons desja parlé, retombant à l’entour de cette Ville, comme une gresle enflamée, faisoit sans doute que l’abord en estoit affreux. Au milieu de ce grand desordre, & tout au plus bas de la Ville, il y avoit un Chasteau, basty sur la cime d’un grand Rocher qui s’avançoit dans la Mer, que ces flames n’avoient encore pû devorer : & vers lequel toutefois, elles sembloient