Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/411

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joye : mais mesme la Cour, avec toute sa magnificence & tous ses plaisirs. Je me suis bien preparée, me dit-elle en souriant, à trouver la flatterie dans Ecbatane ; & peut-estre sçauray-je bien m’en deffendre en ce lieu-ià : Mais je vous avoüe que je crains un peu d’en estre surprise en celuy-cy, où je n’avois pas creû en estre attaquée. Et lors que vous estes arrivé, dans le Cabinet où j’estois, je disois à cette fille que vous voyez aupres de moy, qu’il seroit bien tost temps de songer à dire adieu, à l’innocence de nos Bois, & à la simplicité de nos Provinces. Mais à ce que je voy, l’empire de la flaterie s’estend bien plus loing que je ne pensois ; puis qu’il n’y a pas mesme de seureté pour l’humilité & pour la modestie, à deux cens stades d’Ecbatane. Quand vous vous deffendrez, luy repliqua-je, de toutes les loüanges, que l’on vous donnera sans doute à la Cour, il ne sera pas aisé que vous vous défendiez de vostre propre connoissance : & que vous ignoriez que vous estes la plus belle personne du monde.

Nous nous trouvasmes alors si prés d’Artambare & d’Hermaniste sa femme, qu’au lieu de me respondre, elle leur dit qui j’estois : & m’obligea par son discours, l’estant desja par mon devoir, à leur faire un compliment. Ils me firent beaucoup d’excuses, de la liberté qu’ils avoient prise : & je leur tesmoignay que mon Pere leur en seroit extrémement obligé : & qu’en mon particulier, je m’en estimois infiniment leur redevable. Ils respondirent à cette civilité par une autre : & la conversation fut assez long temps panchant un peu trop vers la ceremonie : tant il est dangereux de tarder dans les Provinces, apres mesme avoir esté à la Cour. En suitte ils se mirent à loüer la beauté des Jardins & des Fontaines : & Amestris tesmoigna trouver