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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/410

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de cette fatale veuë, fut le premier de ma passion : neantmoins malgré mon estonnement, ma surprise, & mon admiration sans égale, je salüay l’adorable Amestris, avec beaucoup de respect ; car c’estoit effectivement la fille d’Artambare : & prenant la parole, Madame (luy dis-je, pour luy faire connoistre qui s’estois) je ne pensois pas trouver une si belle & si agreable compagnie dans la maison de mon Pere : & si j’eusse sçeu qu’une personne comme vous eust esté dans ce Cabinet ; le respect que je porte à toutes celles qui vous ressemblent (si toutefois il en est au monde) m’auroit bien empesché d’y entrer, & de troubler vostre repos. Seigneur, me respondre-elle, ce seroit plus tost à moy, à vous demander pardon, de ce que j’interromps peut-estre la douceur de la solitude, que vous venez sans doute chercher dans un si aimable lieu : Mais Seigneur, c’est à mon Pere qui est dans ce Parterre, poursuivit-elle en commençant d’y aller, à vous faire des excuses de la liberté qu’il a pris de loger chez vous, apres un accident assez fascheux qui l’y a forcé. Voyant alors qu’elle avoit dessein de me conduire vers Artambare, je luy donnay la main : T je remarquay aisément par cette premiere adresse qu’elle avoit euë à me faire connoistre qui elle estoit ; & par je ne sçay quel air galant, spirituel, & modeste, qui paroissoit en ses actions, qu’elle avoit autant d’esprit que de beauté. Madame (luy dis-je en la conduisant, & en respondant à ce qu’elle m’avoit dit) il est est bien advantageux, d’estre interrompu dans la solitude, par une Personne comme vous : & je pense qu’il n’y a pont de gens raisonnables, qui nen seulement ne quitassent pour un si grand bien, la solitude avec