Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/415

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des plus beaux qui s’y voye. Je m’imagine Seigneur, que vous vous souvenez bien, que cette fameuse Ville a sept Murailles, qui sont enfermées les unes dans les autres : ques les Creneaux pour les distinguer, sont tous de hauteur differente ; & pour faire un plus magnifique objet, aux yeux de ceux qui y viennent, sont peints de differentes couleurs. Que ceux de la premiere le sont de blanc ; ceux de la seconde de noir ; ceux de la troisiesme de rouge, ceux de la quatriesme de bleu ; ceux de la cinquiesme d’orangé ; & que ceux de la sixiesme sont argentez, & ceux de la derniere dorez. Or Seigneur, vous sçavez que dans l’enceinte de cette derniere Muraille, est le Palais des Rois de Medie, depuis que l’illustre Dejoce fit bastir ces superbes Murs : & que dans celles qui sont les plus proches, sont ceux des Personnes de la plus haute condition. Celuy d’Artambare est donc, entre la Muraille à Creneaux dorez, & celle qui les a d’argent : & le hazard qui se mesle de tout, fit que celuy de mon Pere touchoit celuy dont je parle. Comme nous fusmes arrivez à la porte de celuy d’Artambare, nous y trouvasmes grand nombre de ses anciens Amis qui l’y attendoient : ce qui fut cause qu’il me fut plus aisé de donner la main à Amestris, pour la conduire à son Apartement : parce que de ce grand nombre de gens qui estoient là, il ne manqua pas d’y en avoir qui la donnerent à Hermaniste. Jusques là Seigneur, la joye avoit esté dans mon ame : & l’Amour, ce dangereux Serpent, s’estoit si bien caché sous des fleurs, que je n’avois point senti ses piqueures. Mais dés le premier moment que je songeay, qu’il faloit quitter Amestris, & prendre congé d’elle, l’Amour m’aparut tout d’un