Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/422

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la bonne mine de quelques autres. Je vous avouë Seigneur, que je me trouvay alors fort embarraſſé : car j’avois remarqué que tout le monde l’avoit trouvée ſi belle ; que je craignois un peu en ſatisfaisant ſa curioſité, de dire trop de bien de quelqu’un qui fuſt mon Rival : & j’apprehenday meſme auſſi, que cette curioſité qu’elle avoit pour quelques uns, ne fuſt un effet de quelque legere diſposition qu’elle euſt à ne les haïr pas. Je parlay donc avec le plus de moderation que je pus : & contre ma couſtume, je loüay mes plus chers Amis, avec un peu moins de chaleur : de peur d’aider à me détruire moy meſme. Cependant le ſoir eſtant venu, il falut ſe retirer : en m’en retournant je paſſay chez le Roy, où l’on ne parloit que de la beauté d’Ameſtris : mais en des termes ſi advantageux, qu’il fit deſſein de n’attendre pas qu’Hermaniſte le vinſt voir, comme Artambare l’avoit aſſuré qu’elle feroit ; & d’y aller le jour ſuivant : quoy que comme vous sçavez, ſon âge deuſt raiſonnablement le diſpenser d’avoir de la curioſité pour les belles Perſonnes. En effet, ce Prince y fut le lendemain : & advoüa comme les autres, qu’Ameſtris eſtoit un miracle. Je ne vous diray point combien cette Beauté ſe fit d’Eſclaves : combien d’Amants rompirent leurs chaines, pour porter les ſiennes : & quelle eſtrange revolution elle aporta, à toute la galanterie d’Ecbatane. Mais je vous diray ſeulement qu’il n’y avoit pas un homme en toute la Cour, qui ne l’euſt veuë ; qui ne l’euſt aimée ; ou qui du moins n’euſt eu de l’admiration pour elle ; excepté un de mes Amis nommé Arbate, frere de Megabiſe qui eſt icy ; & qui comme vous sçavez, eſt un peu allié à la Maiſon Royale. Cét homme avoit