certainement beaucoup d’esprit ; & tesmoignoit avoir beaucoup d’affection pour moy : aussi en avois-je une pour luy, si tendre & si fidelle ; qu’il n’est rien que je n’eusse fait, pour luy pouvoir tesmoigner que je le preferois à tous mes autres Amis. Arbate aimoit assez la solitude, & n’aimoit guere la conversation des Dames. Si bien que quoy qu’on luy eust pû dire ; & quoy que la bien-seance de sa condition, l’obligeast à cette visite ; il s’estoit contenté de voir Artambare, & n’avoit point veû Hermaniste, ny par consequent Amestris. Cependant je voyois cette belle Personne, avec une assiduité estrangge : & quoy que eusse assurément plus d’occasions de luy parler que nul autre, parce qu’il s’estoit lié une assez estroite amitié entre Artambare & mon Pere ; & que de plus, ce premier eust de l’affection pour moy ; Amestris avoit un pouvoir si absolu sur mon esprit, & j’avois tant de respect pour elle ; que je n’osois luy descouvrir ce que j’avois dans le cœur. De sorte que je luy cachois ma passion, presque avec autant de soing, que les autres en aportoient à luy monstrrer la leur ; tant j’avois de crainte de la fascher.
Je voyois donc entre plusieurs autres, que Megabise en estoit devenu amoureux : cette connoissance m’affligeoit sans doute : & comme je ne cachois rien à Arbate, de tout ce que j’avois dans l’ame ; je me pleignis à luy de ce que Megabise son frere devenoit mon Rival : & je luy demanday conseil de ce que j’avois à faire. Il est certain, qu’il me le donna alors tres fidelle : d’arbord il me dit, que s’il estoit possible de me guerir d’une si dangereuse maladie, il me le conseilloit fort : que si cela n’estoit pas, il seroit tout ce qu’il pourroit, pour tascher d’en guerir son frere : Mais que du moins il trouvoit