Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/425

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Aglatidas (me respondit-elle, avec un sous-ris encore plus malicieux) sçachez que je ne pretens nullement, que vous qui estes des Amis d’Artambare mon Pere, viviez avec moy comme y vivent les autres qui ne le sont pas : & desquels je souffre les flatteries, par complaisance & par coustume. Mais pour vous, je n’en userois pas ainsi : & si vous continuyez de me parler de cette sorte ; vous me forceriez d’agir d’une maniere, qui ne vous plairoit peut-estre pas. Quoy, Madame, luy dis-je, vous souffrirez que tout le monde vous loüe ; & vous ne pourrez souffrir qu’Aglatidas vous die, que tout le monde vous aime ? du moins s’il juge des sentimens d’autruy par les siens. J’advoüe (me dit-elle en riant, & cherchant une voye de tourner la chose en raillerie, & de ne se fascher pas) que voila me parler de vostre affection, d’une façon qui n’est pas commune : puis qu’on ne me parlant pas plus de la vostre, que de celle de toute la Cour ; je n’ay pas lieu de vous en punir en particulier. Mais enfin, dit-elle en changeant de discours, amenez moy vostre Amy ; & du reste, laissez en le soing à mon peu de merite, sans rien craindre pour sa liberté. Je souhaitte : Madame, luy repliquay-je, qu’il soit plus heureux qu’un de ses plus chers Amis : Vous estes si peu sage, me repliqua-t’elle, que l’on trouve en ce que vous dites, plus de sujet de vous pleindre que de vous quereller : c’est pourquoy Aglatidas, j’ay quelque indulgence pour vous. En disant cela elle se leva ; & fut s’appuyer contre un Balcon, qui donnoit sur un Jardin de son Palais. Elle appella alors deux de ses Filles aupres d’elle : & je jugeay facilement qu’elle vouloit rompre ce discours. Je fus donc joindre Hermaniste sa Mere, avec laquelle