Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/429

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chagrins, de qui la conversation est pesante & incommode : au contraire, il avoit l’esprit agreable : & mesme assez enjoûé pour un serieux, parmy les personnes avec lesquelles il se plaisoit. Et ce qui faisoit sa retraite, n’estoit pas tant qu’il fust de temperamment melancolique ; que c’estoit qu’il avoit un esprit difficle & delicat, qui se rebutoit aisément : & qui ne pouvoit souffrir qu’avec beaucoup de difficulté, le moindre deffaut en ses Amis. Il cherchoit la perfection en toutes choses, & fuyoit tout ce qui estoit defectueux : si bien que comme il n’est pas aisé de trouver grand nombre de personnes parfaites, il en aimoit peu, & en voyoit encore moins. Pour moy, il m’avoit fait grace : & son inclination le forçant sans doute à m’aimer, une regle si generale pour luy, avoit eu de l’exception en ma faveur : & je le voyois plus souvent, qu’aucun autre ne le voyoit. Le lendemain nous fusmes donc chez Amestris, où nous trouvasmes Megabise : qui paroissoit estre le plus assidu de mes Rivaux, & le plus redoutable aussi : estant certain que c’estoit le plus honneste homme, & le mieux fait de toute la Cour. Vous en pouvez juger, Seigneur, puis que vous le connoissez, & qu’il est presentement à Sinope : il est pourtant vray, qu’il estoit encore beaucoup plus aimable en ce temps-là, qu’il n’est en celuy-cy : parce que la melancolie l’a changé aussi bien que moy. D’abord que nous entrasmes, je presentay Arbate à Hermaniste, & en suitte à Amestris : elles le reçeurent l’une & l’autre, avec beaucoup de civilité : & me tesmoignerent en effet, veû la façon dont elles le traitterent,