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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/430

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qu’elles faisoient quelque estime de ce que j’estimois. Car outre le respect qu’elles devoient, & qu’elles rendirent à sa condition & à son merite ; elles firent les choses d’un certain air obligeant, qui me disoit sans me le dire, que les faveurs que recevoit Arbate, estoient faites en partie, pour l’amour d’Aglatidas. Et à parler veritablement, les premieres carresses qu’il reçeut, ne pouvant estre attribuées à ce merite dont j’ay parlé, dans une si nouvelle connoissance ; bien loin de me causer de l’inquietude, me donnerent de la joye. Ce n’est pas qu’il ne me vinst quelque legere crainte, que cette civilité n’engageast Arbate plus que je ne voulois : mais enfin elle se dissipa bien-tost. La conversation fut sans doute fort agreable ce jour-là : car comme Megabise avoit esté surpris, de voir son Frere chez des Dames ; il ne pût s’empescher de luy en faire la guerre : & de vouloir persuader à Amestris, que c’estoit un des plus grands miracles de sa beauté. Ne pensez pourtant pas Madame, luy dit-il, que mon Frere vienne icy, avec intention de chercher en vous, toutes les belles choses que tout le monde y admire : au contraire, Madame, j’oserois presque assurer, qu’il seroit ravy, de trouver s’il estoit possible, quelque legere imperfection en vostre beauté ; quelque petit deffaut en vostre langage ; quelque obscurité en vostre esprit ; & quelque rudesse en vostre humeur. Il seroit peut-estre avantageux à Megabise, & à beaucoup d’autres, reprit Arbate, que la belle Amestris eust eu quelque deffaut, pour ne pouvoir pas juger des leurs : mais pour moy qui ne cherche les deffaux, que parce que je cherche la perfection, je suis ravy de la rencontrer, en une seule Personne : & de me voir desabusé de l’erreur où j’estois, de croire qu’il n’y avoit rien de parfait